"Asseyons-nous et jasons un instant", dit Eugénie à Dolmancé dans La Philosophie dans le boudoir.
C’est qu’en effet on parle beaucoup dans ces livres dits lascifs où le
sexe tient le rôle principal. Sexe bavard, sexe qui raconte à voix
haute les intrigues, pour peu qu’on le sollicite, en faisant tourner le
chaton d’une bague, comme dans les Bijoux indiscrets
de Diderot, ou même, sans user d’artifice, en le laissant dire, tant il
a de choses à nous apprendre et tant nous sommes curieux de ce
savoir-là. Sexe qu’on n’a pas cessé d’interroger – comme le souligne
Michel Foucault dans La Volonté de savoir – quand bien même il était soumis à l’interdit et à la censure.
Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire de prendre la pose pour dire
l’attrait des discours illicites, des images scandaleuses, des paroles
indécentes contenus dans les livres et les albums d’illustrations
érotiques ou pornographiques conservés dans les cabinets des lettrés,
les bibliothèques publiques, proposés dans les librairies, les kiosques
à journaux et chez les loueurs de vidéos. Encore que cet attrait
n’aille pas sans quelque réserve, sans quelque répulsion, à voir se
développer une industrie du sexe qui, en s’adressant à tous, a banalisé
et rendu plus flagrante la médiocrité de certaines productions.
La
Bibliothèque nationale de France abonde en textes plus ou moins
sulfureux, en images obscènes où chercheurs et érudits trouvent leur
miel pour tisser un discours, esquisser des hypothèses, retracer une
histoire ou encore redonner à lire un texte oublié. Dès 1913, Guillaume
Apollinaire, Fernand Fleuret et Louis Perceau publiaient au Mercure de
France une bibliographie intitulée L’Enfer de la Bibliothèque nationale.
Ils y répertoriaient les neuf cents volumes de la section des livres
"défendus" conservés à la Réserve des livres rares, sous la cote Enfer,
nom donné à cette collection dans les années 1830. En 1978, Pascal Pia,
critique littéraire, journaliste, écrivain et plagiaire notoire,
poursuivait leur travail sous le titre Les Livres de l’Enfer
: mille sept cents volumes décrits auxquels il adjoignait des éditions
conservées hors de cette collection ou même hors de la Bibliothèque ;
la nouvelle édition augmentée de deux cents nouvelles références,
sortie en 1998, concerne uniquement des ouvrages que la Bibliothèque
nationale de France ne possède pas.
[.]. Évoquer Pierre Louÿs,
c’est mettre en avant l’œuvre secrète, celle accumulée durant une
trentaine d’années, découverte seulement après sa mort en 1925 et dont
l’Arsenal possède un des fonds les plus importants.
"Il y a encore des livres maudits, écrivait Jean-Jacques Pauvert en
1947. On les voit seulement chez les "bibliophiles"." Le marquis de
Paulmy, fondateur de la bibliothèque de l’Arsenal, les collectionnait.
Il ne s’en contentait pas. Il aimait aussi fréquenter les femmes qui
faisaient profession de plaisir. Les archives de la Bastille en portent
témoignage.
Longtemps, nous avons été ce voyeur impénitent : celui qui, comme le
héros de l’histoire, regarde par le trou de la serrure ou qui, caché
"derrière une tapisserie éraillée habilement (1)", voit ce qui ne lui
était pas destiné. On pourrait dire, jouant sur un des titres du comte
de Mirabeau : Le Rideau levé, l’Éducation
commence. Apprentissage toujours réussi : le héros, de sexe masculin ou
féminin, en sort véritablement expert. Devant de tels exploits, nous ne
saurions rester insensibles. Le but de l’image obscène comme du livre
pornographique n’est-il pas de faire naître le désir ? Que le livre
tombe des mains, à moins que ce ne soit par ennui, ou qu’il soit lu en
son entier, il a atteint son but. Toutefois, comme l’écrit Jean M.
Goulemot dans son étude sur Thérèse philosophe, gardons-nous de prendre le mot ou l’image pour la chose.
Aujourd’hui nul n’est besoin de se cacher pour voir. Annie Le Brun s’alarme contre "la pression grandissante du trop de réalité (2)"
qui envahit notre époque et conduit l’érotisme à sa perte. Les images
animées des vidéos pornographiques conservées au département de
l’Audiovisuel s’offrent dans toute leur crudité, ne laissant aucune
place à l’imaginaire. Mécanique bien huilée, le sexe, à trop s’exhiber,
a perdu la parole. Gageons qu’il la retrouve.
Marie-Françoise Quignard / Conservateur en chef, /Bibliothèque nationale de France
(1) – Louis Aragon, Le Con d’Irène, Paris, Mercure de France, coll. "Le petit Mercure", 2000, p. 28.
(2) – Annie Le Brun, Du trop de réalité, Paris, Stock, 2000, p. 210.
"Sediamoci e spettegoliamo un momento", dice Eugénie a Dolmancé ne La filosofia nel boudoir.
È che in effetti si parla molto in questi libri detti lascivi dove il
sesso ricopre il ruolo principale. Sesso chiacchierone, sesso che
racconta a voce alta gli intrighi, per quel poco che li si sollecita,
giocherellando con il gattino d’un anello, come neI gioielli indiscreti
di Diderot, o anche, senza utilizzare nessun artificio, lasciandolo
parlare, talmente tante cose ha da insegnarci e talmente siamo curiosi
di questa conoscenza. Sesso che non abbiamo smesso d’interrogare – come
lo sottolinea Michel Foucault neLa volontà di sapere – nel momento in cui per di più era anche sottoposto al divieto e alla censura.
Oggi non è più necessario atteggiarsi per parlare delle attrattive dei
discorsi illeciti, delle immagini scandalose, delle parole indecenti
contenuti nei libri e negli album d’illustrazioni erotiche o
pornografiche conservati nei gabinetti dei letterati, nelle biblioteche
pubbliche, proposti nelle librerie, nelle edicole e nelle videoteche.
Nonostante quest'attrazione non sia senza qualche riserva, senza
qualche repulsione nel vedere svilupparsi un'industria del sesso che,
indirizzandosi a tutti, ha banalizzato e reso più evidente la
mediocrità di alcune produzioni.
La Biblioteca Nazionale di Francia abbonda in testi più o meno solforosi, in immagini oscene dove ricercatori e studiosi trovano il loro miele per tessere un discorso, descrivere ipotesi, illustrare una storia o ancora ricominciare a leggere un testo dimenticato. Fin dal 1913, Guillaume Apollinaire, Fernand Fleuret e Louis Perceau pubblicavano al Mercure de France una bibliografia intitolataL’inferno della biblioteca nazionale . Vi catalogarono i novecento volumi della sezione dei libri "proibiti" conservati alla Riserva dei libri rari, sotto l’etichetta Inferno, nome dato a questa raccolta negli anni 30 del XIX secolo. Nel 1978, Pascal Pia, critico letterario, giornalista, autore e noto falsario, proseguiva il loro lavoro sotto il titolo I libri dell’Inferno : millesettecento volumi descritti, ai quali aggiungeva edizioni conservate al di fuori di queste raccolte o anche al di fuori della Biblioteca; la nuova edizione aumentata di duecento nuovi riferimenti, uscita nel 1998, riguarda soltanto opere che la Biblioteca Nazionale di Francia non possiede.
[…].
Evocare Pierre Louÿs vuol dire mettere innanzi l’opera segreta,
accumulata durante una trentina d’anni, scoperta soltanto dopo la sua
morte nel 1925 e di cui l’Arsenale possiede uno dei fondi più
importanti.
"Ci sono ancora libri maledetti”, scriveva Jean-Jacques Pauvert nel
1947. Li si vede soltanto a casa dei " bibliofili". Il marchese di
Paulmy, fondatore dellaBiblioteca dell’Arsenale
, li raccoglieva. Egli non si accontentava di questo. Gli piaceva anche
frequentare le donne che esercitavano la professione di piacere. Gli
archivi dellaBastille lo dimostrano.
A lungo siamo stati un
guardone impenitente: quello che, come l'eroe della storia, guarda dal
buco della serratura o che, nascosto "dietro una tappezzeria abilmente
consumata (1)", vede ciò che non era destinato a lui. Si potrebbe dire,
giocando su uno dei titoli del conte diMirabeau: Sollevata la tenda, comincia la lezione
. Un apprendistato sempre riuscito: l'eroe, di sesso maschile o
femminile, ne esce veramente esperto. Dinanzi a tali imprese non
possiamo restare insensibili. Lo scopo dell’immagine oscena così come
del libro pornografico non è quello di far nascere il desiderio ? Che
il libro caschi dalle mani, a meno che non sia per noia, o che venga
letto da cima a fondo, ha raggiunto il suo scopo. Tuttavia, come scrive
Jean Goulemot nel suo studio suThérèse filosofa, stiamo attenti a non scambiare la parola o l’immagine per la cosa in sé.
Oggi nessuno ha bisogno di nascondersi per vedere. Annie Lebrun si allarma contro "la pressione crescente di un eccesso di realtà
Marie-Fr.Quignard / conservatore principale, Biblioteca Nazionale di Francia
(1) – Louis Aragona, Le Con d’Irène, Parigi, Mercure della Francia, coll. "Le petit Mercure", 2000, p. 28.
(2) – Annie Le Brun, Du trop de réalit (2)" che invade la nostra epoca
e conduce l’erotismo alla sua scomparsa. Le immagini animate dei video
pornografici conservate al dipartimento dell’Audiovisivo s’offrono in
tutta la loro grossolanità, senza lasciare alcuno spazio
all’immaginazione. Meccanica ben lubrificata, il sesso, ad esibirsi
troppo, ha perso la parola. Noi scommettiamo che la ritroverà. é,
Parigi, stock, 2000, p. 21
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Buste de D.A.F. de Sade d'après Man Ray
Thérèse philosophe
Magritte :
Les Bijoux indiscrets
Pierre-Louys
Le con d'Irène
Masson / Aragon