Recherche libre - Ricerca libera
(hors catalogue/eccetto catalogo)




   

    C’est le prix Nobel de littérature Claude Simon (1913-2005) qui fait l’objet du dossier de ce N°72 du Matricule des Anges - avril 06.
À l’occasion de la parution dans la collection de La Pléiade d’une partie de ses romans, la revue a interrogé dix écrivains sur ce que l’œuvre de Claude Simon avait changé dans leur façon de voir la littérature. ainsi qu'Alastair B. Duncan responsable de cette édition en Pléiade.


Dans Le Monde diplomatique cet article : La Naissance du monde moderne, 1780-1914 avec cette interrogation : Comment est né le monde moderne ? Pourquoi l’Europe a-t-elle émergé comme le centre de la planète aux XVIIIe et XIXe siècles ? Cette domination est-elle le résultat d’une « culture » particulière, ou les éléments de modernisation étaient-ils déjà présents sur d’autres continents ?

Le prétexte à ce dossier est la publication en français de l'ouvrage de l’historien britannique, La Naissance du monde moderne  (dans une traduction de Michel Cordillot) de Christopher Alan Bayly et ce "A l’heure où est relancé en France le débat sur la colonisation et son bilan, elle apporte un éclairage inédit et original aux polémiques actuelles.

Ambitieuse, cette étude n’enrichit pas seulement l’histoire en précisant ou apportant faits et événements, elle est en soi un apport majeur à la manière dont on étudie l’histoire. En prenant en compte l’Europe mais également l’Inde et l’Afrique, l’Empire ottoman et le Pacifique, C. A. Bayly ouvre de nouvelles perspectives de recherches et de compréhension de ce que l’on nomme le monde moderne. Avec une grande amplitude spatiale et thématique (politique, philosophique, religieuse), ce livre permet de suivre la naissance du monde moderne dans les différentes régions de la planète."

Christopher Alan Bayly est professeur d’histoire, spécialiste britannique de la colonisation à l’université de Cambridge.

 

Libération (mars 06)  à propos de la parution du livre de N. Chevassus-au-Louis  propose cette analyse :

"Connaissez-vous Ned Ludd ? Si le nom vous dit quelque chose, probablement l'associez-vous à une rébellion éphémère dans un coin d'Angleterre, au début du XIXe siècle - un léger soubresaut de l'histoire, oublié, sans importance. Eh bien non ! "Le général de l'armée des justiciers", Ned Ludd, mérite mieux que ce souvenir évanescent : et c'est tout le mérite du livre de Nicolas Chevassus-au-Louis de faire connaître aux lecteurs français l'importance historique de ce mouvement de rébellion contre la mécanisation et de reposer ses questions toujours vivantes.

Tout commence au printemps 1811 : dans les Midlands, des foules investissent les fabriques et détruisent les machines textiles qui commencent à s'y répandre. Les émeutes ne baignent pas dans l'anarchie : les actions sont précédées ou accompagnées de lettres courtoises aux autorités ou aux patrons exposant les revendications des émeutiers : l'abandon des machines qui vont les priver, estiment-ils, de leur travail. Les missives sont signées du "roi Ludd", du "général Ludd", du "général de l'armée des justiciers", un personnage qui semble avoir existé, mais que l'on n'attrapera jamais. Le pouvoir reste d'abord interdit, avant de réagir violemment, en dépêchant 12 000 soldats, "des effectifs jamais atteints dans le royaume pour une affaire intérieure". La révolte se calme, elle reprendra par bouffées en 1814 et 1816, avant que la dureté de la répression (pendaisons, déportations en Australie) ne l'éteigne définitivement.

L'importance de la révolte peut se mesurer au nombre de machines détruites : des milliers. Mais la révolte luddite n'est pas isolée. Le mouvement a connu des répliques, non seulement en Angleterre dans les années 1830, quand les travailleurs ruraux s'opposent à coups de masse aux batteuses à grain, mais aussi en France - les canuts de Lyon ne sont pas seuls, révèle l'auteur, enregistrant ailleurs des émeutes contre les machines textiles ou à imprimer -, en Allemagne, en Espagne, et jusqu'aux Etats-Unis, en Roumanie ou en Turquie, on en passe. Une partie de l'intelligentsia - Victor Hugo, Michelet, Alfred de Vigny - exprime sa méfiance à l'égard des machines. Ce n'est qu'à partir de 1848 que l'idéologie du progrès triomphera, et que le socialisme naissant rejoindra les économistes libéraux pour accepter le machinisme. La révolte s'éteindra sans bruit.

L'historiographie anglaise redécouvrira dans les années 1930 ce mouvement. M. Hobsbawm, notamment, montrera que le luddisme n'est pas tant un refus de la mécanisation qu'un moyen d'action dans une situation sociale déterminée. On découvrira aussi que le luddisme et ses avatars n'ont pas été impuissants, contrairement à l'idée reçue : ils ont connu des succès locaux, et souvent retardé de plusieurs décennies la mécanisation d'un secteur.

Enfin, M. Chevassus-au-Louis montre que le choix technologique n'était pas simplement entre l'avancée et l'immobilisme, mais entre deux types d'évolution : la production de masse et la "spécialisation flexible". Autrement dit, le progrès technologique a aussi suivi la voie de l'amélioration des métiers existants, avant qu'un choix ne s'opère pour une mécanisation systématique, qui permettait un contrôle social plus complet des travailleurs. Ainsi, l'évolution technologique ne suit pas une ligne continue mais progresse selon une arborescence de possibilités dont le rapport des forces sociales détermine souvent la trajectoire. "

 

 

Le site ruedesboulets.com publie une video en ligne de Bernard Strainchamps: Lettre à Cesare Battisti : "Je me rappelle avoir défilé le 1er mai 2002 avec toi. Ce jour-là, nous manifestions contre l’arrivée de Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle. Tes yeux ne souriaient déjà plus ; tu avais l’air très inquiet et tu nous a quitté très vite : je n’ai jamais su si tu t’es vraiment perdu dans le cortège monstre ou si tu as prétexté l’achat de bouteilles d’eau pour te sauver..." Heureuse coincidence alors que parait le récit de son errance après que la France a décidé de le livrer à l'Italie : Ma cavale (Grasset/Rivages - préface de Bernard-Henri Levy et postface de Fred Vargas).

 

La lutte contre le CPE légitimait l'axiome que le législatif pouvait expurger le travail salarié de ses tares les plus essentielles, le chercheur "François Dublet démontre par une enquête sociologique l'impossibilité de concilier égalité, autonomie et mérite dans le monde du travail" Le journal Libération dans son supplément Livres du 27 avril 2006 en rend compte : "[.] Page après page, de plainte en remontrances, Injustices décline une symphonie des malheurs divers et variés qui semblent emporter les acteurs sociaux" [.]  interrogeant l'essence même de son propre recherche : Le problème de l'individu est exactement homologue à celui du sociologue qui essaie de recomposer l'unité de la vie sociale. Et de même que la société est une production continue, l'individu est une production de soi.» Pour l'un et pour l'autre, la bonne société n'est pas la société juste mais «la société la moins injuste possible parce qu'elle permet aux individus de combiner des principes contradictoires dans leur subjectivité. Sans jamais y parvenir probablement, elle doit leur permettre de résister aux effets destructeurs des injustices». Finalement, c'est le miracle dont témoigne, à chacune de ses cinq cents pages, Injustices : que «des individus essaient d'être justes dans une société qui ne l'est pas et, peut-être, qui ne peut pas l'être».(1)

En guise de conclusion provisoire nous n'hésitons à citer ces lignes tirées de la présentation de la rencontre au Centre Pompidou, entre P.Quignard et M.Melot à propos de la parution de l'ouvrage de ce dernier, Livre : "[.] Comment, après des siècles, au début de l’ère chrétienne, a-t-il pu supplanter la tablette et le rouleau ? Comment, après être devenu à la fin du Moyen Age en Occident, la « première industrie culturelle mondialisée », résiste-t-il aujourd’hui aux écrans et aux ordinateurs ? D’où vient son pouvoir ? Quel est son avenir ?
Le dialogue entre Pascal Quignard et Michel Melot nous interrogera sur la vraie nature de ce livre que les hommes ont créé à leur image, qui s’ouvre et se ferme comme notre vie, complet quand il est seul, incomplet au milieu des autres. Ils nous diront pourquoi nous continuons de faire des livres et ce que les livres ont fait de nous."

 

(1) François Dubet : Injustices. L'expérience des inégalités au travail
Avec Valérie Caillet, Régis Cortéséro, David Mélo et François Rault.
Seuil, 500 pp., 23 €.